Wanted Café utilise la gastronomie pour générer du lien social et de la solidarité

A Paris, un café-restaurant solidaire d’un nouveau genre a ouvert ses portes en juin 2022 : le Wanted Café. Un café qui utilise le concept du « café suspendu », né en Italie.

Dans la continuité de la communauté Facebook d’entraide Wanted, ce café solidaire souhaite créer du lien et des moments de partage, alors que, selon le 10e rapport annuel sur les solitudes de la Fondation de France, 7 millions de personnes se trouvent en situation d’isolement, soit 14% des Français.

Une étude de 2018 indique également que 10% de la population française ont moins de 3 conversations par an.

D’un simple groupe de copains à une communauté d’entraide de plus d’un million de membres

Au départ, la communauté Wanted était une page entre amis, cocréée par trois bordelais, Luc Jaubert, Christian Delachet et Jérémie Ballarin, qui, à la sortie de leurs études en 2011, ont lancé un groupe Facebook entre copains pour se partager des bons plans.

Depuis, la communauté Wanted n’a cessé de croître. La « Wanted Community » compte en effet aujourd’hui plus d’un million de membres, répartis au sein d’environ 80 groupes Facebook, dont plus de 500 000 personnes à Paris.

Ce groupe d’entraide vise à renforcer la cohésion sociale pour offrir à chacun l’opportunité d’agir localement pour construire une société plus inclusive et durable. Chaque minute, 34 conversations naissent sur les groupes Wanted, soit 18 millions d’interactions par an. Des personnes peuvent alerter sur leur difficulté à trouver un emploi, un logement, d’autres proposent un trajet pour les fêtes de Noël quand les trains sont supprimés, d’autres encore alertent sur la disparition inquiétante d’un proche, ou proposent de se rassembler pour effectuer des maraudes.

Face à l’ampleur de la communauté, et convaincus par le sens et les valeurs solidaires qu’elle génère, les trois co-fondateurs ont quitté leur travail respectif (avocat fiscaliste, directeur de café et conseiller en communication digitale), afin de s’investir à temps plein dans cette communauté sans cesse grandissante. En 2018, la Wanted Community a été classée par Facebook parmi les 5 communautés les plus influentes du réseau, au monde.

Créer des espaces physiques de rencontres favorisant la solidarité par un acte de consommation classique

Les co-fondateurs ont par la suite souhaité aller au-delà des réseaux sociaux en créant des espaces physiques bienveillants et de confiance. Il s’agissait d’avoir une adresse physique permettant notamment de réunir la communauté des groupes d’entraide Facebook. Les cafés étant des points d’impacts pour les personnes démunies (lieux de sociabilisation pouvant permettre de trouver des associations, un travail, un logement, etc.), l’idée d’un café solidaire est née.

C’est en 2018, à Bordeaux, qu’a ouvert un premier Wanted Café, proposant des plats frais et faits maison avec pour objectif d’offrir à chacun l’opportunité d’agir par un acte de consommation, un don et / ou un volontariat. Pour ce faire, le Wanted Café a mis en place la logique du « suspendu » : à la fin de leur consommation, s’ils le souhaitent, les clients peuvent faire un don monétaire soit du montant de leur choix, soit d’1€ pour un café suspendu, ou de 5€ pour un repas, offerts à des personnes en situation de précarité, d’exclusion ou d’isolement.

Ce café solidaire, ouvert pendant 4 ans, reversait également 2% de son chiffre d’affaires à des associations locales, tous les mois, et avait mis en place une carte de fidélité récompensant la fidélité par la solidarité : café offert à une personne démunie après 5 repas, repas offert après 10 repas.

Le 5 octobre 2022, le Wanted café à Bordeaux a fermé ses portes avant d’être dans une position financière trop difficile, puisque le modèle économique ne permettait pas l’équilibre financier du fait du trop peu de marge générée. Néanmoins, entre 2018 et 2022, Wanted Café Bordeaux a réuni plus de 22 000 consommateurs responsables par année, distribué plus de 25 000 plats et cafés suspendus et reversé 8 000 euros à des associations œuvrant dans l’entraide.

Après ce premier café test à Bordeaux, c’est à Paris que Wanted Café a ouvert ses portes en juin 2022, en plein cœur du 10e arrondissement.

Sur le même modèle que Wanted Café Bordeaux, on trouve une cuisine de saison et de qualité dans ce lieu qui cherche à renforcer le lien social via des actions simples : cafés et plats suspendus, carte de fidélité solidaire, accueil d’associations, etc.

« Il y a le fait de pouvoir accueillir pour donner à manger à ces gens, mais ça, c’est presque secondaire. Ce qui est important, c’est de pouvoir se retrouver dans un lieu de droit commun, pas un lieu qui les stigmatise, qui les ramène à leur condition de personne aidée ». Jérémie Ballarin, co-fondateur de Wanted. 

Dans le Wanted Café Paris, les règles sont simples : les clients qui viennent manger un plat suspendu peuvent venir une fois par semaine, dans la limite de 6 plats disponibles par jour. En moyenne, 150 repas et 300 cafés par mois y sont mis à disposition de personnes en situation de précarité, d’isolement ou d’exclusion. 60 repas sont également distribués lors des tablées solidaires et ce sont 150 heures de lien social qui sont créées.

Un café-restaurant communautaire pour partager des moments de convivialité

Un dimanche soir par mois est organisée une tablée solidaire dans le lieu. Il s’agit d’un dîner préparé et dégusté, ensemble, par des bénévoles et des bénéficiaires, pour créer du lien.

Wanted-Café, catalyseur de relations sociales de proximité, accueille également plusieurs structures associatives et des évènements solidaires, tels que La Cloche, qui permet de créer des moments conviviaux avec des personnes sans-abris, ou DansMaRue, qui y prépare des repas qui sont distribués durant les maraudes.

 

Un modèle économique qui se structure

Avec le Wanted Café, il ne s’agit pas d’être dans l’assistanat, mais bien de partager un moment convivial dans un lieu collectif, ancré dans la ville. Aussi, il ne s’agit ni d’un lieu associatif, ni d’un simple commerce. C’est un lieu socialement responsable, d’un nouveau genre, qui vise notamment à démocratiser les suspendus et à générer du lien social. « Notre modèle juridique, financier est orienté vers le fait d’avoir un impact. Pour nous, la condition de faire du business est d’avoir un impact positif », Jérémie Ballarin.

Le café de Paris est un lieu financé par tous. Son financement se constitue comme suit :

  • 44% par l’actionnariat (financement privé). Ce sont plus de 350 membres de la Wanted Community qui ont investi dans le projet. Une levée de fonds a notamment permis de récolter 450 000 euros en 2021 ;
  • 46% par la dette bancaire (financement privé) : La Société Générale et le CIC, grâce au soutien de la Brasserie Kronenbourg ;
  • 10% de prêt d’honneur et création d’entreprise (financement public) : Paris Initiative Entreprise, France Active et la BPI.

De plus, suite à la reconnaissance par Facebook de la Wanted Community en 2018, l’entreprise avait alors reversé 1 million d’euros à Wanted, ce qui a également permis de financer une partie du lieu.

Wanted Café Paris s’appuie fortement sur l’expérience de Bordeaux, tant sur les choses à éviter que les leviers à activer. Il n’est par exemple aujourd’hui pas prévu de reverser une partie du chiffre d’affaires aux associations. Il convient en effet, dans un premier temps, de régler le curseur entre solidarité et rentabilité.

Le café propose aussi une programmation culturelle, des sessions de team building, un espace de travail et de formation, des repas d’entreprise ou d’équipe ou encore la possibilité de réaliser des évènements sur-mesure.

 

Synonyme d’entraide, d’engagement et vecteur de lien social, le modèle mis en place par Wanted, pourrait, selon les co-fondateurs, être répliqué dans de nombreux restaurants, voire au-delà. C’est notamment le sens du partenariat avec la marque Kronenbourg, afin de faire évoluer le secteur CHR (café/hôtels/restaurants) vers la solidarité. Ce qui intéresse également Wanted, c’est de partager ces expériences avec d’autres entreprises, afin de pouvoir adapter la logique de suspendu à tout type de produit ou de service.

Bien que cherchant encore son modèle qui allie économie et solidarité, les ambitions ne manquent pas au sein de la communauté. A Bordeaux, par exemple, Wanted participe actuellement à la création d’un projet de tiers-lieu.

 

Retrouvez derrière ce lien un interview de Jérémie Ballarin, enregistré par Le Grand Rebond.

Crédit Photos : Wanted